ORAN DES ANNEES 50!!!!!!!!!!!! OU SONT-ILS ? QUE FONT-ILS ? QUE DEVIENNENT-ILS?                 ORAN DES ANNEES 50!!!!!!!!!!!! OU SONT-ILS ? QUE FONT-ILS ? QUE DEVIENNENT-ILS?

Date de dernière mise à jour le 22/06/2015 13:00:28   

 

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Cher ami,

              

               Je t’écris d’Oran, ville plaie de mon âme et douleurs d’une obstination à vouloir rester debout face à la mer, tourner le dos à tout : ne plus entendre le bruit de la déchirure qui se produit en plein jour dans un pays où le soleil a décidé de ne plus se voiler et de rester de plomb sur des têtes sans scrupule, ne croire que dans le pouvoir de l'argent, celui qui s’échange dans ses ruelles et porte le cachet de toutes les banques du monde simplifié à son expression la plus riche : l’argent des pays qui le dirige.

 

                Je t’écris d’Oran, ville fantasme pour tous les Algériens, qui viennent y passer un moment sans trop s’attarder pour ne pas s’attacher. L’ambiance de joie et de plaisirs nocturnes, justifie qu’on s’y arrête au passage,  rarement qu’on en fasse une destination finale  malgré le dicton local qui dit que cette ville enrichit l’étranger et lui offre sur un plateau d’argent gloire et notoriété. On devient rapidement noble à Oran ; la noblesse, ici, sort sans trop de peine des poches bien remplies.

 

                 Je t’écris d’Oran, bouillon de culture d’une indécision qui accentue mon malaise d’être là, et celui encore plus grand de ne pouvoir partir. Ville contraste, incertaine, toujours endormie quand ailleurs on se réveille. Ville aux marchés étalages de toutes les productions médiocres d’une industrie asiatique d’un choix  énième, que les autochtones s’arrachent à la volée et qui engraissent les mêmes individus, toujours plus gras, toujours plus exécrables.

 

                  Je t’écris d’Oran, je ne peux t’écrire d’ailleurs : enchaîné dans la tourmente des enfants de cette ville, emprisonné dans l’amour que je lui porte, je t’écris en pleurant, en criant jusqu’au déchirement de mes entrailles ; quelques part j’aimerai crier jusqu’au délire suprême, celui qui me libérera de son emprise ! Car ici, l’ami, je vois ce qui semble être l’avenir : des immeubles en attente d’une rénovation de vitrine, des gens évoquant les progrès d’ ailleurs, juste pour parler du positif des autres sans la moindre envie de s’y retrouver. Je vois le projet, le grand, celui qui exclue la présence des minorités,  qui ne reconnaît pas l’amour des quartiers pauvres où se font les histoires des peuples , qui sera inapte à reconnaître les odeurs des épices qui émanent du vieux souk de la Médina El djadida ;  le projet qui fait de l’oisiveté l’instrument  de destruction des monuments publics par petits coups donnés avec les ongles d’une main qui aurait tant aimé être dans les cheveux d’une femme. Mais l’amour aussi deviendra tabou dans la ville, c’est dans le grand projet ! Les rebelles à cette lois se cacheront dans les coins de rue des quartiers de riches pour voler aux regards carrés, un baiser, une caresse, un peu de tendresse dans cette ville qui se referme à l’amour-sentiment, en ouvrant grandes ses portes au sexe et à la drogue sans les cacher de ses mêmes regards qui retrouvent comme par miracle des rondeurs aux origines incertaines.

                   Je t’écris d’Oran, ville où les femmes ont le ton du soleil, de la Sicile ou de l’Espagne dans leur voix, et l’odeur de la mer et de l’amour dans leur cuisine. Où les sardines se préparent collées les unes aux autres et où les salades prennent souvent les couleurs de mon  pays : concombres, tomates et oignon

                   Je t’écris d’Oran, ville que tu ne verras peut-être jamais, car en voie de disparition. Sinon il faut venir maintenant, tant qu’il reste encore quelque vieux pour siroter avec toi un café turc dans ce qui était jadis la Tahtaha. Ils te parleront alors de leur ville, et tu verras dans les sillons de leurs rides, la bonté d’un Oranais. Tu regarderas dans le blanc de leur yeux pour retrouver le chemin qui mène à leur cœur. Tu verras mon ami, mon interdit… mon Oran  brume sous le soleil caché par l’intégrisme et la géométrie d’un esprit fermé imposée au chaud fluide oranais. Tu verras une ville marginalisée par ceux qui,  exilés, sont venus y trouver refuge.

 

                    Je t’écris d’Oran, ville plaie de mon âme, femme insaisissable, couchée sur le dos avec son chapelet de lumière, sur son corps offert, qu’on ne voit que la nuit, du haut du pont Zabana. Une nuit qui a commencé il y a huit ans et dont on est pas prêt de voir la fin.

 

                    Oran, ville meurtrie, dont tu as déjà entendu parler par Camus dans la peste, par Assia Djebar…..Je le fais moi à présent et tant qu’elle reste debout face à la mer, d’autres t’en parleront.

 

 

 

                                                                       30 avril 1999

                                                                      

 

Remerciements à Omar OMMARI pour cet ecrit
omar_ommari@yahoo.fr

 

 

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